Solitude, stress et rebond des entrepreneurs

Je parlais dans un précédent article de la solitude, du stress et de l’angoisse que peuvent éprouver les entrepreneurs et les patrons de micro-entreprise tout au long du cycle de vie de leur projet. De nombreuses organisations et associations existent pour accompagner les entrepreneurs face aux situations de grande difficulté (voir des exemples en fin d’article).

Alors que c’est un sujet généralement trop peu évoqué, la crise et le confinement ont jeté un coup de projecteur sur l’anxiété et la santé mentale des entrepreneurs et travailleurs non salariés.  En creusant ces sujets j’ai découvert les travaux de l’observatoire Amarok et écouté un podcast très intéressant, “Les petits patrons font de la résistance”, ,  sur France Culture. Olivier Torres, le fondateur de Amarok, évoque les problèmes de santé des travailleurs non salariés et patrons de TPE.

Dans leur dernière étude sur la santé physique et mentale des travailleurs non salariés – menée en mai 2020 après 2 mois de confinement, les auteurs notent une dégradation de la santé mentale des personnes interrogées et que le risque de dépôt de bilan impacte davantage la santé du chef d’entreprise que le risque de contracter gravement le COVID-19. Détails de l’étude ici

Les motifs de stress et d’anxiété pour les entrepreneurs et patrons de TPE pendant la crise – chute de leur activité et revenus – sont amplifiés par plusieurs facteurs:

  • Manque de protection : une part importante (plus de 40%) des patrons d’entreprise n’ont pas connu de chômage partiel ou de complément de revenus pendant la crise. Beaucoup d’entrepreneurs se retrouvent sans aucune protection lors des crises et défaillances de leur entreprise.
  • Impuissance : les confinements successifs et l’arrêt total ou partiel de leur activité ont généré un sentiment d’impuissance et d’incapacité – ce qui est le pire pour un entrepreneur comme le note Olivier Torres. 
  • Injustice: les fermetures des commerces non essentiels (et donc de beaucoup de micro-entreprises) lors du 2è confinement a suscité beaucoup d’incompréhension et d’injustice de la part des entrepreneurs concernés. Ils ont perçu ces mesures comme la marque d’un traitement différent entre les activités et un manque de considération pour leurs efforts.
  • Frustration avec les injonctions à la numérisation et digitalisation : pour compenser l’arrêt de l’activité et la fermeture de leurs commerces, tous les acteurs ont poussé les entrepreneurs et TPE au e-commerce, au click-and-collect, à la digitalisation. Mais comme discuté dans des articles précédents, la transformation digitale peut-être frustrante, pas adaptée, mal conduite et ne pas apporter de bénéfice (immédiat). Cela peut générer de la frustration parce que, pour beaucoup, cela ne pourra jamais compensé les ventes physiques en magasin et cela demande de changer totalement son métier et ses habitudes.  
  • Manque de représentativité : les micro-entreprises ont beaucoup moins (et seulement depuis très récemment) d’organismes de représentation – contrairement aux grandes entreprises avec le Medef et des lobbys parlementaires. Il y a un manque de corps et d’adhésion.

Dépression post fermeture et rebond

Au-delà du confinement, l’accompagnement et le soutien psychologique des entrepreneurs tout au long du cycle de vie de leur projet mais surtout lors d’une crise ou d’un dépôt de bilan sont des enjeux cruciaux. Et ne s’arrête pas à la fermeture de l’entreprise. La période post-fermeture peut être terrible pour un entrepreneur qui perd revenu et raison d’être.  

Organisations qui travaillent sur ces sujets

Dans le podcast, Olivier Torres souligne le rôle prépondérant des corps intermédiaires et des collectivités locales dans l’accompagnement des entrepreneurs. Les chambres de commerces (les CCI) constituent le 1er relais vers les artisans et travailleurs non salariés. Le réseau des CCI constitue un maillage de 125 établissements publics nationaux, régionaux et locaux. En parcourant le site des CCI, on se rend compte de l’ampleur des moyens (plus de 3 milliards d’euros de budget) et de la portée du réseau (plusieurs centaines de milliers d’entrepreneurs qui bénéficient du soutien des CCI).

Le Portail du Rebond est né de l’association de plusieurs organisations (SOS Entrepreneur, Recréer, Apesa France, Second Souffle, 60 000 Rebonds et AMAROK) dont l’objectif commun est d’assister les entrepreneurs à rebondir pendant ou après avoir connu des difficultés, ont décidé d’unir leurs efforts dans le respect de leurs originalités, en créant un Groupement d’Intérêt 

  • SOS Entrepreneur offre un soutien et une aide psychologique aux chefs d’entreprise en très grande difficulté (avant faillite). Beaucoup des entrepreneurs souffrent de stress extrême et/ou de dépression pendant ou après un dépôt de bilan et se retrouvent complètement seuls. 
  • RE-CREER est une association, née en 1999, composée de dirigeants d’entreprise qui ont rebondi après avoir connu des difficultés et d’anciens dirigeants, dont le but est de partager des expériences et d’offrir un soutien pour aider les entrepeneurs en situation d’échec à surmonter des difficultés, pour se re-créer personnellement et pour rebondir 
  • 60,000 rebonds aide les entrepreneurs qui ont liquidé leur entreprise à sortir de l’isolement et les accompagne vers un rebond professionnel. Ils ont accompagné +1000 entrepreneurs accompagnés depuis 2012.
  • Second souffle accompagne les entrepreneurs en difficulté. L’association est née après la fermeture de l’entreprise de son fondateur et regroupe plus de 300 bénévoles, experts et coachs pour aider les entrepreneurs à rebondir.

En mettant un formidable coup de projecteur sur les difficultés des TPE, cette crise peut aussi représenter une opportunité. Une opportunité de rebond. Jusqu’aux années 1980-1990, les patrons de TPE ont souffert d’une mauvaise image en France – mal vus à la fois par la gauche qui les assimilait au camp des bourgeois capitalistes et par la droite qui leur reprochait un manque de productivité à l’heure des grands projets et des champions industriels  – la crise les a définitivement remis au centre du débat. L’ampleur des mesures promises par le gouvernement et la place qu’ils ont occupée dans les médias sont inédites et peuvent être un catalyseur. Maintenant que les millions d’entrepreneurs et patrons de TPE sont sur la carte et que leurs difficultés ont été mises en lumières, des millions de solutions peuvent émerger. 

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