Oui !
La France est bien un formidable pays d’entrepreneurs – grâce à tous graphistes, boulangers, jardiniers, designers, coiffeurs, mécaniciens, plombiers, fleuristes, fromagers, bouchers, épiciers, cavistes, libraires, mécaniciens, électriciens, etc : les millions de commerçants, artisans et indépendants qui exercent avec talent leur savoir-faire.
Comme je le mentionnais dans mon post précédent, l’hyper-médiatisation des start-ups cache l’importance sociale et économique des 3 millions autres entrepreneurs.
Il y a en France près de 3.7 millions de TPE – très petites entreprises, soit des entreprises avec moins de 10 salariés et moins de 2.5 millions de chiffre d’affaires annuel selon l’INSEE.
Chaque année, notamment grâce au statut d’auto-entrepreneur, il y a de plus en plus de créations d’entreprises (850,000 créations d’entreprise en 2020 malgré, ou à cause, de la crise). Parmi ces TPE, un peu plus de 1.5 millions sont des entreprises unipersonnelles, soit sans salarié.
Près d’1 million d’entrepreneurs en France qui ont le potentiel de recruter
Or ce que j’ai découvert récemment (grâce à une étude de l’INSEE de 2013) c’est que la médiane de revenu annuel de ces entreprises sans salarié était de €40,000. En français cela signifie que la moitié des entreprises sans salarié fait plus de €40,000 de ventes annuelles, soit plus de 750,000 entrepreneurs qui ont un savoir faire et une expertise pour générer un chiffre d’affaires (très) conséquent. Parce que générer plus de 40,000€ de chiffre d’affaires tout seul c’est beaucoup, c’est fort, c’est une promesse.
Ces entrepreneurs représentent une opportunité sociale et économique gigantesque. C’est un réservoir d’emplois. Chacun d’eux a le potentiel pour recruter une personne et créer un emploi.
S’attacher à libérer le potentiel de ces micro-entrepreneurs et les transformer en employeurs devrait être une priorité économique et sociale, particulièrement dans cette période de crise. Parier sur ces entrepreneurs plus ordinaires, moins clinquants, plus traditionnels, avec des retours économiques peut-être moins élevés pris individuellement mais avec le potentiel du nombre, permettrait de renforcer le dynamisme et l’emploi local.
Aider ces 750,000 entrepreneurs à recruter
Mais pourquoi ces entrepreneurs ne recrutent-ils pas aujourd’hui ? En échangeant avec beaucoup d’entre eux, des pistes sont ressorties.
- L’envie et le potentiel
Certains entrepreneurs n’ont pas l’envie de développer plus leur activité et de prendre la responsabilité d’employés. Ils sont très heureux d’être seuls. D’autres ont une activité ou un périmètre géographique avec un potentiel plus limité et les ventes additionnelles qu’ils pourraient générer avec un employé ne justifient pas la charge de ce recrutement.
Mais les entrepreneurs, qui génèrent déjà plus de 40,000€ seuls et qui ont l’envie et le potentiel pour développer plus encore leur activité, font face à 2 autres barrières
- La solitude
Travailler seul cela veut dire supporter le stress et l’angoisse, cela veut dire un manque de reconnaissance, cela veut dire une prise de décision plus difficile, cela veut dire des réseaux limités. Et prendre le risque de grandir, de recruter, de changer c’est très difficile.
En outre la plupart ne se considèrent pas comme entrepreneurs. Créer, développer et gérer une activité seul ne suffit pas, dans la psyché collective, pour se considérer comme entrepreneur. Recruter un premier employé est un changement de statut, un changement de mentalité, une transformation en entreprise. Passer de 1 à 2 c’est un changement de 100%, c’est nécessairement impactant. C’est une transformation profonde. Et ce passage crucial demande un accompagnement.
- Ressources
Il existe beaucoup d’aides à la création – des aides publiques et privées, via les collectivités, les chambres de commerce, les incubateurs, etc. Il existe aussi beaucoup d’aides pour les start-ups, ou les modèles exponentiels : les entrepreneurs qui veulent faire x10 ou x100. Il existe enfin des aides pour ceux qui veulent passer de TPE à PME, de 10 a 50 salariés via la BPI, les chambres de commerce, des réseaux d’entrepreneurs (le réseau Entreprendre par exemple),
Mais ce passage crucial du 1er employé est le trou dans la raquette. Peu de personnes en parlent et peu d’organisations s’y intéressent. Le développement des entrepreneurs plus traditionnels mais avec un savoir faire et un produit validé est moins considéré dans le système des aides et accompagnement. Au delà de l’accompagnement entrepreneurial ou managérial, transformer son activité en entreprise requiert de nombreuses compétences externes : comptabilité, gestion des ressources humaines, légales et juridique, développement commercial et marketing, etc.
Investir dans les micro-entreprises pour l’emploi
En ciblant les commerçants, artisans et indépendants qui ont prouvé leur savoir faire et leur potentiel, en s’associant avec eux pour qu’ils ne soient plus seuls et en leur apportant les ressources auxquelles ils ont peu ou pas accès, on pourrait les aider à percer ce plafond de verre et recruter un premier employé.
Aider ces centaines de milliers d’entrepreneurs seuls à se transformer en entreprises pourrait avoir un impact énorme sur l’emploi.
