Ces dernières semaines, nous avons interviewé une vingtaine d’entrepreneurs en France et en Espagne. Sur la période actuelle bien sûr, mais aussi sur leurs trajectoires, les difficultés rencontrées hier et aujourd’hui, leurs ambitions et les conseils à partager.
Ces personnes viennent d’horizons et de domaines très différents mais toutes se sont lancées dans une aventure à sensations fortes qui amène son lot de challenges. Tous travaillent d’arrache-pied et se confrontent à beaucoup d’obstacles, et pourtant, la passion les fait persévérer. Nous vous présentons les 8 enseignements que nous avons retenus de nos entretiens.
1. Les entrepreneurs sont capables de plus que ce qu’ils imaginaient
Beaucoup ne s’imaginaient pas entrepreneurs et se sont surpris eux-mêmes. Les petits chefs d’entreprise qui débutent ne savent pas tout faire en avance. Même s’ils ont suivi des formations et qu’ils se sont préparés, ils se confrontent à des situations nouvelles et font beaucoup de choses pour la première fois. Ils se challengent et se débrouillent et apprenent au fur et à mesure.
Martine, consultante RH, nous a raconté qu’elle s’était surprise à partir à Londres rencontrer un client potentiel pour lui présenter son travail. Avec du recul, elle trouve que c’était presque de la folie. Pour Martine, être entrepreneure, c’est sans cesse sortir de sa zone de confort, tout en restant dans le domaine qu’elle maîtrise.
2. Ils sous-estiment souvent la charge de travail au début
Lancer son activité, c’est beaucoup de surprises. Comme le disait Elise, professionnelle de l’organisation, on ne voit souvent que le haut de l’iceberg. Les entrepreneurs connaissent leur cœur de métier mais doivent aussi gagner des connaissances dans beaucoup d’autres domaines : la comptabilité, le marketing, le digital, la communication, le juridique, le commercial etc. Au début, ils ne se rendent pas toujours compte de l’ampleur du travail et veulent souvent tout faire tout seul. Parfois, déléguer dès le début, même si cela a un coût, permet de bien démarrer et de ne pas se noyer sous les tâches à accomplir.
3. Ils ont besoin d’échanger entre eux et de s’entraider
Il est très important de faire partie de cercles d’entrepreneurs. Les personnes interrogées nous ont dit à quel point elles appréciaient pouvoir parler avec des chefs d’entreprise qui vivent la même chose qu’elles et se posent les mêmes questions. Pour tenir, elles ont besoin de se sentir soutenues et de ne pas rester isolées. Rajae raconte qu’au sein des réseaux dont elle fait partie, « quand quelqu’un a un coup de mou, on se soutient et on se remonte le moral. Quand on est seul, on fait des montagnes de toutes petites choses. »
Les réseaux sociaux d’entrepreneurs se développent de plus en plus. Selon Anrifa, créatrice du réseau Yoostart, ils sont l’essence même de l’entreprenariat. C’est aussi un moyen d’avoir un carnet d’adresses et de trouver de potentiels clients.
4. Le stress et la peur fait partie de leur quotidien
Qu’ils débutent ou qu’ils aient de l’expérience, le stress de ne pas faire assez de chiffre d’affaire est toujours présent. Devoir se verser un salaire tous les mois est la grande préoccupation des entrepreneurs. Ils sont aussi parfois en proie au doute et se demandent si leur projet va marcher. Cependant, une fois la période de découragement passée, ils se relèvent et savent aller de l’avant.
5. Les entrepreneurs manquent souvent d’une bonne communication
Les chefs d’entreprise sont doués dans leur activité principale mais ont du mal à bien communiquer, prospecter des clients et se vendre. Se faire connaître est souvent leur plus grand obstacle. Parfois, ils ne savent pas comment bien expliquer leur métier et le service qu’ils offrent. Fadoua, experte en paie, réussit bien depuis qu’elle a lancé son activité, cependant, elle nous a avoué avoir besoin d’aide pour améliorer sa communication. Fadoua ne sait parfois pas comment trouver de nouveaux clients et a peur de passer à côté d’opportunités. Par exemple, elle n’arrive pas à se mettre en avant sur les réseaux sociaux.
6. Il est important qu’ils se digitalisent, mais de la bonne manière
Être présents sur les réseaux sociaux, avoir son site internet, voir même sa marketplace, est de plus en plus important. Cependant, rien ne sert de se digitaliser sans être capable de bien utiliser ces outils. Baptiste, restaurateur à Barcelone, nous a expliqué qu’arriver trop tôt sur Facebook ou sur TripAdvisor aurait pu jouer en sa défaveur. Tant qu’il n’avait pas une clientèle satisfaite, il ne fallait surtout pas se mettre sur ces réseaux, au risque de recevoir de mauvaises notes et de faire fuir les potentiels clients.
Il y aussi une différence entre les besoins des TPE qui tiennent un magasin ou une entreprise physique et celles qui sont virtuelles. Les commerçants nous ont souvent dit qu’avoir un site internet parfait n’était pas leur priorité, alors que les dirigeants d’entreprises virtuelles accordent naturellement beaucoup plus d’importance à leur image sur le web. Elise a ainsi choisi de faire un prêt pour pouvoir acheter les services d’une agence de communication qui puisse lui faire son site internet, considérant cela primordial.
7. Financièrement, ils doivent pouvoir amortir au moins la première année
La plupart des entrepreneurs n’ont pas pu se verser de salaire la première année, le temps de faire démarrer leur business. Il faut non seulement savoir estimer le temps que peut prendre l’activité pour se mettre en route, mais aussi prévoir d’en assumer les frais. Graciela, restauratrice à Barcelone, nous a expliqué qu’elle avait failli fermer au bout d’un an et demi car elle n’avait presque aucun client, elle n’avait pas prévu que cette période durerait si longtemps. En France, beaucoup d’entrepreneurs ont l’avantage de venir du salariat et de toucher le chômage la première année, ce qui est un vrai plus pour créer une trésorerie avec le chiffre d’affaire des premiers mois.
8. Les entrepreneurs ne regrettent pas le salariat !
Malgré tous les challenges auxquels ils font face, les entrepreneurs restent passionnés. Nous avons eu la chance d’interroger des chefs d’entreprise qui aiment ce qu’ils font et qui l’ont choisi. Ils mettent souvent en avant l’indépendance qu’ils ont gagné et la diversité des clients avec qui ils travaillent. Ils se disent plus stimulés que dans le salariat et ne le regrettent pas. Ils sont réellement motivés et résilients.
Ils investissent également beaucoup plus d’énergie dans leur entreprise qu’ils ne l’auraient fait en tant que salarié. La charge de travail y est souvent bien supérieure: la moitié des personnes interrogées y consacrent 40 à 70 heures par semaine les premières années.
N’oublions pas certains, comme Miguel, n’ont pas décidé de devenir entrepreneurs. Ils doivent par exemple poursuivre une activité familiale qu’ils n’ont pas choisie.
D’autres, tels que Xavier, jardinier, ont préféré arrêter leur activité, fatigués de porter leur entreprise. Pour lui, retourner dans le salariat a été le moyen de reprendre confiance en lui. Il pense tout de même à lancer un nouveau projet indépendant.
Les personnes interrogées se sont presque toutes mises d’accord sur ces points-là. Bien-sûr la liste n’est pas exhaustive et nous avons interrogé un nombre réduit de travailleurs. Ce que l’on retient, c’est qu’être entrepreneur, ce n’est pas tous les jours facile et qu’il faut être sur beaucoup de tableaux à la fois. Souvent, l’entrepreneur commence son activité par passion, mais manque de formation pour être un vrai chef d’entreprise. Mais il a soif d’indépendance et de découvertes et est capable de s’adapter et se former au fur et à mesure de son parcours. Malgré les difficultés du quotidien, l’entreprenariat est une grande source d’apprentissage et d’épanouissement.
*Chez les femmes, le moment de la maternité peut être l’opportunité (ou la nécessité) de se lancer*
Nous avons été marqués par un point un petit peu à part: le rôle de la maternité chez les femmes entrepreneures. Plusieurs des femmes que l’on a interrogées ont créé leur entreprise lorsqu’elles étaient enceinte, ou à la naissance de leur enfant. C’est l’occasion de réfléchir à sa vie d’une nouvelle manière, de lui donner une impulsion professionnelle. C’est aussi un moyen pour la femme de pouvoir continuer à travailler tout en étant enceinte, ou jeune maman.
Emmanuelle, par exemple, s’est mise à son compte en contrôle de gestion pendant son premier congé maternité. Elle avait le temps de s’y consacrer et elle y a vu la seule manière de travailler avec des horaires flexibles pour pouvoir s’occuper de ses enfants en bas âge. De même, Martine a lancé son activité alors qu’elle était enceinte. Ayant été licenciée, elle comptait retrouver du travail mais voyait que ce serait difficile en étant enceinte. Ne voulant pas s’arrêter de travailler, elle a profité de ce moment pour devenir indépendante.
Si la maternité peut être l’opportunité de se jeter à l’eau, c’est aussi parfois la seule possibilité qui s’offre aux femmes pour conjuguer vie de famille et vie professionnelle.
Si vous êtes également une femme pour qui la maternité a influencé son parcours d’entrepreneure, n’hésitez pas à nous contacter, nous cherchons à en apprendre plus !